M Baril et les cueilleurs

Monsieur Baril et les cueilleurs

C’est rare que pour une nouvelle vidéo, on n’a pas à ressortir du bureau. C’est pourtant ce que je viens de vivre avec ce projet qui m’a fait replonger dans des archives encore récentes. Un plongeon dans de beaux souvenirs, plus de 25 jours de tournage, surtout dans le haut du Lac, un peu au Saguenay, à Québec et sur la Côte-Nord.

Des bleuets. Lac St-Jean, 2015.

Quand la région a fêté ses 175 ans, j’avais proposé lors de l’appel de projets de faire un documentaire et un livre sur le monde du bleuet. Je me disais, et je crois toujours que le bleuet chez nous, c’est pas banal. Il y a quelque chose en dessous des plants qui dépassent la simple cueillette. Le projet n’a pas été retenu, mais les liens que j’ai tissés en élaborant ce projet ont permis à mon idée de prendre une autre forme un peu plus tard. À force de croire en mon idée, le Syndicat des producteurs de bleuets du Québec (SPBQ) a soutenu le projet de documentaire, du début à la fin. Un film d’une heure, qui n’a pas encore eu le rayonnement que j’espérais, mais dont je suis tellement fier. Comblé parce que je crois avoir traité en profondeur d’un sujet plus grand que nature au Saguenay—Lac-Saint-Jean.

Monsieur Baril consulte ses souvenirs photographiques. Lac St-Jean, 2015.

Je suis donc allé à la rencontre des cueilleurs. Rapidement, j’ai croisé monsieur Baril, Gérard de son petit nom. Tout un monsieur. Un être d’une grande gentillesse, d’une sagesse immense et d’un humour qui marche à tout coup. Il est à la tête de la Bleuetière coopérative Ticouapé de St-Méthode et a déjà été président du SPBQ.

Pendant le tournage, j’ai compris qu’il s’inscrit dans une lignée de cueilleurs de bleuets. Avant lui, son grand-père disait au début du 20e siècle que le bleuet allait sauver la région, qu’un jour, ce serait une industrie majeure, qu’on allait même le cultiver. Il avait bien raison même si personne ne le croyait à ce moment.

Chez les Baril, on croit aux bleuets depuis plusieurs générations. Lac St-Jean, 2015.

Les bleuets et le grand feu de 1870; mythe ou réalité?

Chez nous, on associe au grand feu de 1870 le fait que l’on retrouve beaucoup de bleuets. Un feu majeur, qui a embrasé l’ensemble de notre territoire, de Saint-Félicien à la Baie des Ha! Ha!… C’est connu, après un feu de forêt, on retrouve peu de temps après des plants de bleuets. Pendant le tournage du documentaire, j’ai beaucoup réfléchi à cette croyance pour en conclure que l’on nage, selon moi, dans un mythe.

Le bleuet est une plante présente sur un terrain, souvent des sols sablonneux, qui émerge quand il n’y a pas de végétation concurrente. C’est pour cela que l’on parle chez nous de bleuets sauvages. On ne peut pas planter cette variété; elle doit se trouver dans le sol, sous la forme de rhizomes. Donc, l’impact d’un feu de forêt, c’est de permettre l’émergence du bleuet. Cependant, si le terrain n’est pas entretenu, la concurrence revient bien vite, et le bleuet se cache à nouveau. Donc, comment expliquer cette croyance tenace que le grand feu de 1870 est responsable de la présence de bleuets chez nous, presque 150 ans plus tard? Considérant ce que je vous raconte, on déduit que c’est illogique.

J’ai donc creusé la question avec Jean-Eudes Senneville, celui que l’on peut sans se tromper qualifier de père de l’industrie du bleuet dans la région. Un monsieur qui a bâti une entreprise de transformation immense, présente sur les marchés internationaux, qui a ouvert la voie à d’autres joueurs.

Jean-Eudes Senneville, le père de l’industrie du bleuet dans la région. Lac St-Jean, 2016.

Le grand feu de 1870 a laissé plusieurs familles dans la misère. Pour se faire un revenu d’appoint, la cueillette du bleuet était tout à fait logique. Il y en avait partout! Les familles se sont donc mises à cueillir. C’est là que l’industrie a connu ses premiers pas, que l’habitude de cueillette s’est installée dans la région. Cette tradition se perpétue encore aujourd’hui. Même si l’industrie s’est structurée, elle est héritière de ce passé pas si lointain.

Une boîte de bleuets. Lac St-Jean, 2015.

Conscient de cet héritage, Monsieur Baril garde un œil sur l’avenir. Il se réjouit quand il voit les jeunes expérimenter, développer, cueillir et transformer le bleuet. C’est beau de le voir à 4 heures du matin, donner un coup de balai sur la plate-forme, juste avant l’arrivée des cueilleurs de la coopérative. Pourtant, il pourrait rester chez lui, ce serait bien mérité après toutes ces années.

La journée de cueillette de Monsieur Baril commence très tôt.

C’est touchant de voir son fils Michel, un solide gaillard qui croit autant que lui au potentiel du bleuet, œuvrer dans le même domaine avec autant de passion. On l’a filmé cueillir de nuit, au Lac et sur la Côte-Nord. Il fait cela parce que la fraîcheur nocturne rend le fruit plus ferme, donc la qualité est optimale. Le fils de Michel contribue aussi à la cueillette.

Michel Baril cueille des bleuets la nuit. Lac St-Jean, 2015.

La famille de Monsieur Baril s’inscrit donc complètement dans la tradition de cueillette du bleuet que l’on retrouve au Saguenay—Lac-Saint-Jean. C’est sans doute ce qui m’a interpellé autant. Mais, ce serait injuste de ne pas souligner l’apport de tous ceux que j’ai croisés au fil de ce tournage. Leur enthousiasme est contagieux et leur amour du bleuet est ancré au fond de leur cœur. Tout cela dépasse l’industrie de la cueillette du bleuet: il y a un élément identitaire fort, une sorte de rituel plus grand que le destin de chaque individu. Un rite qui s’installe dans le bois, dans les champs, pendant lequel on peut croiser des humains plus grands que nature, comme Monsieur Baril et ses amis cueilleurs.

  1. J’aime beaucoup votre blog. Un plaisir de venir flâner sur vos pages. Une belle découverte et blog très intéressant. Je reviendrai m’y poser. N’hésitez pas à visiter mon univers. Au plaisir

  2. Bonjour,je vous remercie pour ces informations car je me questionnais sur le rôle du Grand Feu dans l’importance des bleuets dans notre région. D’après mes lectures, le feu N’a pas passé par Mistassini mais c’est pourtant là que la culture du bleuet est la plus présente. Vos explications me semblent plus plausible. très intéressant!

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